Doit-on dire "tu t'en rappelles" ou "tu te le rappelles" ?
Réponse : « Tu te le rappelles ».
La forme pronominale « se rappeler » est suivie d’un objet nominal en construction directe (COD) : « Elle se rappelait tous les détails, tous les petits faits, toutes les figures rencontrées là-bas » (Maupassant). La construction indirecte est due à l’analogie avec « se souvenir », de sens proche : « Je me souviens / Des jours anciens / Et je pleure » (Verlaine). Bref, « on se rappelle quelque chose » et « on se souvient de quelque chose ». Mais il arrive aux écrivains d’employer la construction indirecte de « se rappeler » : « Elle se rappelait de sa demande » (Fr. Jammes). Et Claudel défendait cette construction, « la seule vraiment correcte, et en même temps beaucoup plus élégante » (cité par le « Bon usage», §285-R7). Et la construction indirecte est favorisée par l’impossibilité de la construction directe de « se rappeler » avec les pronoms « me, te, nous, vous » (*je me te rappelle »), ce qui impose l’emploi des pronoms toniques indirects : « je me rappelle de toi ». Mais au fond, ces deux verbes ne sont pas parfaitement synonymes. « Se rappeler » a un sens actif, volontaire : « faire revenir à la mémoire », alors que le souvenir revient à l’esprit sans action consciente du sujet, comme on le lit chez Proust. Face à l’échec du rappel conscient du passé, la mémoire involontaire, suscitée par la sensation, fait surgir le souvenir : « Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine… » (« Du côté de chez Swann »).