Les noms collectifs « se caractérisent par une discordance entre leur pluralité sémantique (ils désignent des collections ou collectivités d’entités isolables) et leur morphologie singulière » (« Grammaire méthodique du français », p. 325). Ils désignent « des regroupements spatio-temporels (essaim, bouquet), fonctionnels (équipe, escadrille, comité, famille), catégoriels (bourgeoisie, patronat) formant une entité homogène » (« ibid. ») ou des collections d’objets (« mobilier, outillage »), qui s’opposent aux noms d’individus comme « chaise », « cheval » ou « homme ». L’homogénéité interne de cette catégorie (éléments identiques : un bouquet désigne une pluralité de fleurs) n’empêche pas de mettre ces noms au pluriel : on peut dénombrer les bouquets ou les équipes. Un complément du nom indique la composition de l’entité collective : « un bouquet de roses, une équipe de rugby ». Certains noms collectifs atteignent un haut degré de généralité : « ensemble, classe, espèce, groupe, collection, ... ». L’indication de regroupement est tellement générale que la nature de leurs éléments n’est guère typée (« un groupe d’arbres, de maisons, de travail, de pression, d’écrivains, ...) et que certains constituent le centre nominal d’un déterminant complexe, dont on oublie alors la signification propre, comme « foule, nuée, tas ». On peut distinguer leur sens propre (« un tas de bois ») et leur sens quantifiant (« un tas d’histoires » = « un grand nombre d’histoires »). Quand ces noms sont employés dans un groupe sujet, on peut hésiter sur l’accord du verbe. Le choix du nombre dépend de l’interprétation : quand on considère globalement la référence, le verbe s’accorde avec le nom au singulier : « Une foule d'embarcations grouille entre les deux rives » (Farrère). Mais pour mettre en valeur la pluralité des individus, on préfère le pluriel : « une foule d'auditeurs demandèrent des explications » (TLFi). Cela peut soulever une foule de questions.
Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.