Soucieux du beau langage, ils font de la forme verbale un « conditionnel passé 2e forme », comme on disait autrefois (c’est-à-dire un plus-que-parfait du subjonctif), forme très littéraire, avec un contre-sens sur la phrase. Ce n’est pas l’équivalent d’un conditionnel passé (« ça aurait payé »), mais un simple passé, qui s’oppose au présent, ce qui est le thème du sketch (« c’était mieux avant »). F. Raynaud, natif de Clermont-Ferrand, a employé un passé surcomposé, courant en français parlé, notamment dans le Sud-Est de la France. Ce temps est formé d’un double auxiliaire, surtout avec « avoir », parfois avec « être » : « Ce petit vin nouveau [...] a eu vite grisé tous ces buveurs de bière » (A. Daudet). Le passé surcomposé exprime une action accomplie ou antérieure par rapport au passé composé, en particulier dans une subordonnée temporelle : « Quand la France a eu réalisé son programme révolutionnaire, elle a découvert à la Révolution toute espèce de défauts » (E. Renan). Ce temps est attesté depuis le XIIIe s. Avec le recul du passé simple, remplacé dans l’usage parlé après l’époque classique par le passé composé, le passé surcomposé a formé avec celui-ci un tandem, qui remplace le couple traditionnel passé antérieur-passé simple. Par extension, les grammaires donnent la liste des formes surcomposées parallèles aux formes composées : plus-que-parfait surcomposé, futur antérieur surcomposé, conditionnel surcomposé, subjonctif passé surcomposé, ... (voir la liste et les exemples dans « Le Bon usage », § 818). La « Grammaire Larousse du français contemporain » (1964) a même introduit une 3e colonne « temps surcomposés » dans ses tableaux de conjugaison. Ne cédons pas à cette illusion de régularité systématique. Seul le passé surcomposé est vraiment vivant. Les autres temps se rencontrent de manière sporadique : « A peine l’avais-je eu quittée qu’ils s’étaient reformés » (M. Proust, grand spécialiste des temps et du Temps).
Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.