En 1815, quand les cosaques occupaient Paris après la défaite de Napoléon, ils disaient, parait-il, le mot russe « bystro », « vite », pour être rapidement servis dans les cabarets.
Hélas, cette histoire est trop belle pour être vraie, car on ne comprend pas que ce mot soit attesté pour la première fois en 1884, sans avoir été une seule fois employé pendant presque trois quarts de siècle. Il faut donc chercher ailleurs que chez les cosaques l’origine du bistrot, « cabaret » existant, lui, depuis le XIIIe siècle. Plusieurs origines régionales sont proposées. La plus plausible (P. Guiraud) le rapproche de « bistrouille », variante de « bistouille », dont il viendrait par troncation. Le nom familier « bistouille » désigne un mauvais alcool, et, en Belgique et dans le Nord de la France, un café mêlé d’eau de vie (un « café schnaps » comme on dit en Alsace). Le bistrot serait donc « le lieu où l’on « bistrouille », c’est-à-dire où l’on fabrique et l’on boit un mauvais vin » (« Dictionnaire historique de la langue française »).
Mais cela ne résout pas parfaitement le problème, car le premier sens de « bistrot » n’est pas le lieu, mais le tenancier, « cabaretier » (et au féminin, une « bistrote ») qui, par métonymie, en est venu à désigner ensuite un petit café bien français (1901). Aujourd’hui d’ailleurs, l’appellation bistrot s’applique à des restaurants peut être simples, mais coûteux, qui pratiquent la « bistronomie ».
Une autre explication dérive « bistrot » de « bistre », sorte de suie détrempée, par analogie, car un bistrot peut être un lieu sombre et enfumé. Bref, on n’a pas encore trouvé l’explication définitive. Et si on lisait dans le marc de café ?
Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.
Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).
En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.