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COMTE / CONTE / COMPTE

| 30 mai 2018 | par Jean-Christophe Pellat

Les « trois contes », comme dirait Flaubert.

COMTE est un titre de noblesse, issu du latin « comitem », « celui qui va avec » (v. 980).

CONTE (v. 1130-1140) est issu de « conter » qui vient du latin « computare », « calculer ». Il désigne un récit avec des nuances de sens qui ont évolué.

COMPTE est issu du latin « computus », « compte, calcul » (v. 1080). Il a dès le début le sens de calcul d’une quantité. Le verbe « compter », associé, est aussi issu du verbe latin « computare », « calculer », qui est à l’origine de l’anglais « computer ».

On constate que les verbes « conter » et « compter » ont la même origine latine, ce qui affecte aussi les deux noms. Les notions de « narrer » et « calculer » étaient liées au Moyen Âge par l’idée d’ « énumérer, dresser la liste de » (A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, p. 485). La confusion était inévitable (on écrivait « conte » et « conter » dans les deux cas), d’autant plus que comte, ayant un étymon différent, a d’abord été écrit compte, puis contes.

Comme souvent, le Moyen Français a introduit une différenciation graphique en ajoutant dans « compte » et « compter » (v. 1348) la consonne -p- de l’étymon latin. Et le « comte » a eu sa graphie actuelle à partir du XVIIe siècle (Cotgrave, 1611). La distinction est bien faite à l’écrit.

À l’oral, le contexte permet souvent de sélectionner le bon mot, mais on peut rencontrer des ambiguïtés, propices aux jeux de mots :

- « Le compte / conte est bon » est ambigu ;

- « Le plus petit conte le fait » : deux lectures sont possibles selon la classe grammaticale de conte et fait :

    (1) « conte » est un verbe (« conter »), « fait » est un nom ;

    (2) « conte » est un nom et « fait » un verbe (« faire »). De ce fait, les statuts grammaticaux de « petit » et de « le » sont différents dans les deux lectures.

Jean-Christophe Pellat

Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.

Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).

En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.