Les claviers d’ordinateurs gardent une touche spéciale « & » pour une abréviation ancienne appelée « esperluette », « éperluette » (Robert), « perluette » (TLFi) ou bien « et commercial », car employé dans des noms de firmes. C’est la survivance d’une ligature datant des Mérovingiens : les abréviations de ce genre étaient nombreuses dans les manuscrits, par souci de brièveté. La typographie a gardé « & » et « œ » (« cœur »).
L’étymologie donnée pour « (es) perluette » est compliquée. Sachant que « & », constitué des lettres « e » et « t » liées, est employé à la place de la conjonction « et », on pourrait traduire littéralement le mot : « perluette » serait une déformation de « pour le et ». Car « le caractère & se nommait ète ; mais l'usage s'était établi, quand on faisait répéter l'alphabet aux enfants, de leur faire ajouter perluète après ète, par une sorte de jeu et pour terminer par une rime plaisante. Au lieu de perluète, on disait quelquefois pirlouète ou esperluète » (TLFi, cit. Larousse 19e suppl.). La perluète était, en quelque sorte, la 27e lettre de l’alphabet.
L’imprimerie a longtemps utilisé l’esperluette, qui permettait aux typographes de « serrer à la ligne ». « Ainsi celuy qui doute & qui ne cherche pas est tout ensemble, & bien injuste, & bien malheureux » (Pascal, « Pensées », 1670). À partir du XIXe siècle, la perluette a régressé dans l’imprimerie, mais elle est restée sur les claviers des machines à écrire, favorisée sans doute par son usage dans plusieurs langues européennes, dont l’anglais.
Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.
Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).
En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.