Pour l'amour
de la langue française

Colette est née voilà 150 ans

| 21 juin 2023 | par Jean-Christophe Pellat

Journée internationale des droits des femmes 2023 – Colette est née voilà 150 ans

Colette est née voilà 150 ans

« J’appartiens à un pays que j’ai quitté ». Sidonie Gabrielle Colette, dite Colette, est née en 1873 à Saint- Sauveur- en -Puisaye (Yonne). Ayant quitté son village à la fin de son adolescente, elle y est restée profondément attachée. Elle l’évoque dans « Claudine à l’école » (1900), avec laquelle elle est entrée en littérature, incitée à écrire par l’écrivain Henry Gauthier-Villars (Willy), épousé en 1893, qui a signé de son nom la série des Claudine (1900-1903). Colette a inventé l’autofiction, selon S. Doubrowsky, marquée par Proust dont elle admirait l’œuvre. Après son divorce, elle connut la vie active d’une femme libre, comme sa mère Sido qu’elle adorait, active dans le Paris du début du XXe siècle (artiste de music-hall (mime) à Paris, collaboratrice du journal « Le Matin »,...), mais c’est avant tout la littérature qui compte pour elle. Sentant les limites de la vie sociale (« La Vagabonde », « Chéri »), elle s’épanouit dans le contact avec la nature (« La Naissance du jour ») et les animaux (« La Chatte »), écologiste avant l’heure. Son style personnel, qui allie sensibilité et sensualité, fait vibrer le lecteur qui parcourt avec elle son pays natal comme un monde idéal : « À trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps… » (« Sido »). Son style inimitable teint ses romans de moments de poésie. L’épisode du « petit presbytère » retrace une expérience d’apprentissage ; l’enfant apprend que la langue est une convention sociale qui impose le sens des mots : « Le mot « presbytère » venait de tomber, cette année-là, dans mon oreille sensible, et d'y faire des ravages » (« La Maison de Claudine »). Et l’enfant se permet de critiquer la prose de son père, écrivain manqué : « Toujours trop d’adjectifs ! » (« Sido »). Un peu comme Proust, né un an avant Colette, qui se moque de « la règle des trois adjectifs » de Madame de Cambremer.

On pourra découvrir Colette dans la belle émission de La grande librairie du 22 février 2023 : https://www.france.tv/.../4593370-toujours-colette.html

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.