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Disparition d’Albert Camus il y a 60 ans

| 10 janvier 2020 | par Jean-Christophe Pellat

Albert Camus, né en Algérie en 1913, a quitté la route et la vie il y a 60 ans, le 4 janvier 1960. Écrivain et philosophe, il a reçu le prix Nobel de littérature en 1957.

Son œuvre, très lue en France et à l’étranger, est d’une riche diversité. On met en avant ses deux romans, « L’Étranger » (1942) et « La Peste » (1947) : le constat avec Meursault de l’absurdité du monde est dépassé par la lutte de Rieux contre le Mal représenté par la peste qui frappe Oran. Sur le plan littéraire, « L’Étranger » a été donné par Roland Barthes comme un modèle de « l’écriture blanche », une écriture « neutre » et minimaliste. Dans « La Peste », au-delà de la dimension philosophique, la recherche stylistique se manifeste, entre autres, à propos du travail d’écriture de Grand, avec sa phrase répétée : « Par une belle matinée du mois de mai, une élégante amazone parcourait, sur une superbe jument alezane, les allées fleuries du Bois de Boulogne ». On ne saurait sous-estimer la dimension lyrique et sensible de l’œuvre de Camus, l’accord avec le monde qui s’exprime dans « Noces » (1939) et « L’Été » (1954). Et son écriture théâtrale se nourrit de son importante expérience de dramaturge : on retrouve l’absurdité du monde avec « Le Malentendu » (1944) et sa fin brutale (« Non. »), « Caligula » (1945), où l’empereur romain essaie de construire un monde à l’envers, ainsi que la question de la morale de la lutte contre l’oppression avec « Les Justes » (1949). La réflexion et l’engagement politiques de Camus l’ont amené à prendre des positions difficiles et courageuses, contre la répression soviétique en Hongrie (1956) et sur la douloureuse guerre d’Algérie. Albert Camus illustre, en son temps, une des fonctions majeures de la littérature, qui invite à réfléchir sur le monde et à agir pour le transformer. « L'art n'est ni le refus total, ni le consentement total à ce qui est. Il est en même temps refus et consentement, et c'est pourquoi il ne peut être qu'un déchirement perpétuellement renouvelé » (conférence à Uppsala, 14 décembre 1957).

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.