Pour l'amour
de la langue française

Hommage à Claire-Blanche Benveniste, linguiste de l'oral

| 05 août 2020 | par Jean-Christophe Pellat

Après Nina Catach l’an passé, spécialiste de l’écrit, nous rendons hommage à Claire Blanche-Benveniste, linguiste de l’oral, disparue il y a 10 ans, le 29 avril 2010.

Claire Blanche-Benveniste (renommée CBB) a redonné ses lettres de noblesse au « français parlé », en le remettant au centre des recherches linguistiques car, même si F. de Saussure a affirmé la primauté de l’oral, dans les faits, la grammaire est restée centrée sur l’écrit pour décrire la langue. La norme a longtemps stigmatisé l’oral, dévalorisé comme un usage « relâché, fautif » du français, par opposition à l’écrit « correct ». Le terme « parlé » est ambigu, car il désigne aussi bien l’oral qu’un niveau de langue familier. En fait, l’oral fait bien partie du français tout court et il connait, comme l’écrit, des niveaux de langue différents. À côté des usages familiers, CBB a ainsi relevé de beaux exemples de la « langue du dimanche », autrement dit d’un français oral soigné (voir le texte « Les lentilles » de Claire Blanche-Benveniste, « Choix de textes de français parlé », Champion, 2002).

CBB a fondé le GARS, « Groupe aixois de recherches en syntaxe », qui a publié jusqu’en 2003 sa revue « Recherches sur le français parlé ». Avec son équipe, elle a constitué un « corpus de référence du français parlé » (440 000 mots), en commençant par fixer des normes de transcription et d’édition. Ainsi, elle a choisi de transcrire les textes en orthographe ordinaire et de noter certaines particularités de l’oral (hésitations, pauses, ...). Ces textes oraux ont donné lieu à des analyses spécifiques des traits d’oralité, mais aussi de la syntaxe de l’oral, où la phrase n’est pas forcément une réalité immédiate. Après avoir développé « l’approche pronominale », où les pronoms sont des indicateurs de construction des verbes, CBB a élaboré une description du discours oral dans lequel, s’inspirant de l’analogie avec les mots construits, elle distingue le préfixe, le noyau et le suffixe (Voir CBB, « Approches de la langue parlée en français », Ophrys, 2000).

Grâce aux travaux de CBB et d’autres équipes, notamment de Paris III, nous avons une meilleure perception de l’oral, de son fonctionnement et de sa place dans la diversité des usages du français, dont la particularité reste le décalage important entre l’oral et l’écrit.

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.