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Pléonasme

Plus mieux, est-ce moins pire ?

| 12 octobre 2018 | par Jean-Christophe Pellat

On considère que « plus mieux » est un pléonasme, puisque la supériorité est indiquée deux fois, avec « mieux », comparatif synthétique de « bien », et « plus », qui sert généralement à former le comparatif de supériorité, comme dans « plus vite » ou « plus grand ». Littéralement, « plus mieux », c’est « plus plus bien ».

Comme les formes synthétiques (« mieux, pire ») sont rares en français, elles ne sont pas senties comme de « vrais » comparatifs. Elles subissent l’extension de la règle générale de formation des comparatifs en étant modifiées par un adverbe de degré dans l’usage populaire ou parlé (notamment au Québec selon le TLFi) : « Les colons c'est plus mieux que [...] les soldats, les curés » (Musette, TLFi).

Dans le sens opposé, on entend « moins pire ». Ce n’est pas un pléonasme, mais une expression contradictoire, comme si on disait « c’est moins plus mauvais », puisque que « pire » signifie « plus mauvais ». « Moins pire » confirme que le sens synthétique de « pire » n’est plus perçu et sert à frapper davantage, si l’on peut dire, que « moins mauvais ». En plus, il semble que les expressions avec « pire » soient plus variées (« moins pire, plus pire, aussi pire, très pire ») et plus fréquentes que celles avec « mieux ».

« Même un fascisme très pire, c'est moins pire que d'être mort ! »  (A. Malraux).

Avec « plus pire » et « très pire », on retrouve des pléonasmes. Faut-il penser que, dans la recherche de l’expressivité, le pire ait plus de succès que le mieux ?

Jean-Christophe Pellat

Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.

Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).

En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.