Pour l'amour
de la langue française

Pourquoi autant de lettres pour former le son [k] ? (Antoine, 13 ans)

| 08 novembre 2019 | par Jean-Christophe Pellat

Effectivement, Antoine, si l’orthographe française était phonétique, une seule lettre correspondrait à un son. Mais ce n’est pas le cas. Pour noter la consonne [k], on emploie deux graphies principales (98% des cas), qui suivent la répartition des langues romanes : « c » et « qu ». On écrit « c » devant « a, o, u » ou une consonne : « calcaire, décor, écume, cri ; on écrit « qu » devant « e, i » et dans les mots grammaticaux : « logique, requis, qui, que, quoi, quand ». On a gardé les deux lettres latines « qu », alors que le seul « q » aurait suffi comme en finale (« cinq »). Et l’emploi de « c » a été « libéré » pour noter [s] devant « e, i » : « ceci, recette, récit ». Et comme la grammaire détermine aussi l’orthographe, on maintient « qu » devant « a, o » dans les verbes : « attaquer, attaquons, attaquant ». Pour compliquer les choses, d’autres graphies existent, moins fréquentes heureusement, comme la lettre « k » dans les mots empruntés aux langues grecque (« kilo, kiné »), germanique (« képi »), orientale (moka ») ou slave (« knout »), sans parler de « ch » qui peut aussi se prononcer [k] dans des mots grecs (« psychologue »). Bref, les graphies de [k] cumulent tous les déterminismes de l’orthographe française : phonétique, grammatical, étymologique,... Cela explique que certains aient milité pour la simplicité phonétique, comme Raymond Queneau, avec « Doukipudonktan » dans « Zazie dans le métro ». Nous laissons à Antoine le soin de traduire l’expression en orthographe ordinaire !

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.