Pour l'amour
de la langue française

Pourquoi les noms d'habitants se terminent par-ais ou -ois ?

| 05 août 2020 | par Jean-Christophe Pellat

Penchons-nous sur cette question posée par les élèves de CM1 de Cugnaux (31).

Pour comprendre cette différence d’écriture et de prononciation, il faut faire un peu d’histoire. Les noms de peuples et d’habitants (et de leur langue) ont été formés à l’aide du suffixe –ois (du latin –« ensem ») ajouté au nom du pays ou de la ville : « France > François » (comme le prénom). Par ailleurs, le français avait une graphie « oi » issue du « é » latin qui se prononçait de trois façons : « ouè, oua, è ». Difficile de s’y retrouver. On prononçait « è », entre autres, les finales des imparfaits et des conditionnels (« il venoit, viendroit »). Mais on a toujours écrit « oi » jusqu’en 1835, date où l’Académie française, a décidé d’écrire « ai » le son « è » pour mieux relier l’orthographe à la prononciation. J’ai entendu des acteurs qui, pour parler comme au 17e siècle, prononçaient les imparfaits de Racine à tort comme « il venouèt » ; j’en souffrois pour eux.

Jusqu’en 1835, les noms de peuples et d’habitants s’écrivaient tous avec « oi » : « un Anglois, un François », ... Ensuite, par des choix arbitraires, les noms sentis les plus usités se sont écrits avec « -ai » : « un Anglais, un Français, un Hollandais, un Marseillais, un Nantais », alors que d’autres continuent de s’écrire « oi » : « un Chinois, un Québécois, un Suédois, un Lillois, un Niçois ». Et la différence d’écriture correspond à une différence de prononciation : « ai » se prononce « è » et « oi » se prononce « oua », comme dans « toi et moi ». Cela donne un petit côté ancien à cette écriture « oi », comme quand on parle des bourgeois, des villageois ou de nos ancêtres les Gaulois.

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.