Pour l'amour
de la langue française

Pourquoi un H à physique et à technique ?

| 04 juillet 2018 | par Jean-Christophe Pellat

Une lettre dont l'intégration remonte au XVIIe siècle.

Au XVIIe siècle, l’Académie française a fait le choix d’une orthographe savante et compliquée, qui renseigne sur l’étymologie des mots français. Elle a gardé le « » dans « th », « ch », « ph », « rh », qui rappellent les lettres de l’alphabet grec, ainsi que le bien nommé « y grec », correspondant au « upsilon ». Ainsi, nous écrivons « physique » à cause du « phi » (φ) et « technique » à cause du « chi » (χ). Dans « physique », le groupe « ph » correspond au son « f », alors que dans « technique », le « h » est vraiment muet. On a même introduit de fausses graphies grecques, comme « nénuphar », que Littré écrit encore « nénufar ».

Mais le français n’a pas gardé toutes ces lettres savantes : on n’écrit plus « cholère », « phantosme », « phantaisie », « rhythme », « crystal ». Et les rectifications de 1990 ont rétabli « nénufar ».

Parmi les autres langues européennes, l’anglais aime aussi l’orthographe savante : « theory », « physics », « technique », alors que l’espagnol et l’italien ont choisi des orthographes phonétiquement transparentes : « tecnico », « fisico », « psicologia », « ritmo » (exemples de l’italien).

 « Quoi ! monsieur sait du grec ! Ah permettez, de grâce,

Que pour l’amour du grec, monsieur, on vous embrasse. » (Philaminte)

Selon Molière, si on sait le grec, on peut au moins séduire les femmes savantes.

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.